Première Cuma créée en Côtes d'Armor, première par sa taille, la Cuma de Plurien était réunie en assemblée générale début mars autour de Gérard Boulard, ancien président sur trois décennies. Coup de projecteur sur une Cuma atypique. Mi-avril, dans le hangar de la Cuma de Plurien, les mécaniciens s'affairent autour des machines. On effectue les derniers réglages. Une roue de tracteur démontée, des roulements à billes neufs attendent d'être montés. A cette période, normalement, le gros des épandages de lisier est déjà fait. Mais la pluie et les sols détrempés contraignent au repos les sept tonnes à lisier d'une capacité de 8 000 à 22 000 litres. "A peine 10% des épandages a été réalisé", déplore Eric Lesné, chauffeur-responsable. Perturbée par une météo imprévisible, la Cuma a même loué pendant un mois un tracteur supplémentaire, et ce pour la première fois, pour renforcer la flotte des tracteurs et apporter un peu de souplesse dans les rouages d'une organisation très serrée.

Une organisation à part

Ici la plupart des adhérents sont producteurs de porcs ou producteurs laitiers. La Cuma créée en 1946 compte 67 ans après sa création : neuf salariés permanents, 130 adhérents actifs pour 1700 ha de céréales, 900 ha de maïs grain et 700 ha de maïs ensilage. Une des plus grosses Cuma de Bretagne. La particularité est que le conseil d'administration place les salariés au centre de l'organisation. Eric Lesné, salarié et associé non collaborateur, participe au conseil d'administration en tant que trésorier. Lorsqu'il n'est pas à conduire une machine, il gère pendant la période creuse, les ressources humaines, les tâches administratives, les commandes de pièces…. Comptabilité et fiches de paie sont déléguées à la fédération départementale. De son côté, Emmanuel Omnès, organise le planning des travaux et attribue les tâches à chacun. Ici tous sont chauffeur et mécanicien. Et chacun entretient son matériel : tracteur et moissonneuse-batteuse. Le petit jeu consiste à cumuler le moins de pannes possibles en saison ! Cette organisation bien rôdée est supervisée par le président, élu depuis un an, Joseph Rouxel, éleveur à Plurien. "Ce qui caractérise la Cuma est la bonne entente entre les chauffeurs et le conseil d'administration", décrit le président avant de préciser que dans l'histoire de la Cuma, Jean-Claude Méheust, aujourd'hui à la retraite, a cumulé 38 années de fidélité en tant que chauffeur responsable au sein de la Cuma. "Lui aussi a tracé la voie de la Cuma".

Rendre un service de qualité

Créée le 7 avril 1946, la Cuma est d'abord présidé par Joseph James. Au sortir de la guerre, une poignée de pionniers, avec des qualités de gestionnaires, fondent une coopérative d'achat de matériel : il s'agissait à l'époque d'acheter du matériel à récolter et trier les petites graines (trèfle, luzerne…). Déjà, avoir son propre matériel coûtait cher. Décrite comme une "terre de coopération", "Plusieurs coopératives ont vu le jour ici", indique Joseph Rouxel, citant aussi la naissance de la coopérative "La Paysanne d'Erquy". Ensuite, André James succède à son père. Autre personnage à participer au développement et à la pérennité de la Cuma, et qui en a façonné le visage actuel, est Gérard Boulard, agriculteur à Plurien. Honoré de la médaille de Chevalier du Mérite agricole, à Plurien le 1er mars, il a exercé la fonction de président de 1981 à 2011. "La Cuma a fait en sorte d'accompagner les élevages de lait et de porcs", évoque-t-il modestement. Or il fallait de l'audace pour faire évoluer le matériel vers ce qui ce faisait d'innovant. La première ensileuse automotrice arrive en 1973, la première moissonneuse-batteuse en 1975, les enfouisseurs en 1995, la désherbineuse dès 1998, suivi en 2001 par un système d'épandage de lisier sans tonne. "Acheter ce qui se fait de mieux et renouveler régulièrement le parc de matériel" : voilà la philosophie résumée. "Rendre un service rapide et de qualité est une obligation", conclut Eric Lesné. Début des années 2000, pas moins de sept salariés permanents sont embauchés. Contrairement à ce qui ce pratique de plus en plus, la Cuma n'opère ni échange de matériel, ni fusion avec d'autres Cuma. Par contre, elle développe, pour écrêter les pointes de travail, des activités de type élagage, éparage et transfert de lisier. Stable en superficie, salariés et administrateurs espèrent que les générations futures copieront le modèle appliqué par les plus anciens depuis 1946 : partager le matériel, déléguer le travail et gagner en qualité de vie.