12 000 pondeuses dans deux nouveaux bâtiments aux normes "bien être 2012", le domaine des Prières à Billiers vient de se doter de ce nouvel atelier avicole avec conditionnement. Il a été inauguré vendredi dernier. Dans ce centre hospitalier postcure, l'agriculture permet aux stagiaires de reprendre pied avec la réalité.
"Elles ne seront plus dans des cages, c'est sûr qu'elles vont être bien mieux les poules, maintenant". Deux jeunes stagiaires commentent en aparté les perchoirs des deux bâtiments flambants neufs. Invités comme beaucoup à l'inauguration, ils sont venus en voisins depuis le secteur restauration-hôtellerie, une des quatre activités qui, avec la mécanique automobile, le maraîchage et l'agriculture, sont pratiquées pour reconstruire des personnalités abimées par les troubles mentaux. 145 personnes sont accueillies tous les ans au domaine des Prières pour une durée maximum de deux ans. C'est l' un des deux seuls établissements de ce type en France avec celui de Grenoble. Qu'ils souffrent de schizophrénie, de psychoses ou de troubles bipolaires, ces stagiaires y reprennent pied avec la réalité. Ils sont jeunes (âge moyen 26 ans), leurs aptitudes intellectuelles, souvent très développées (35 % de bacheliers), leurs jouent de mauvais tours. "Ici, l'activité pratique, les ancre dans une réalité dont la maladie les a éloignés", note Serge Sourdril, responsable du secteur agricole. Et plus encore l'agriculture. "Car l'animal impose ses besoins vitaux, ses rythmes. Il faut le nourrir, prendre soin de lui régulièrement", résume le moniteur. Rien de tel que l'aviculture alors pour recoller à la réalité. "Elle permet d'accueillir les gens en début de parcours. L'environnement est clos, les tâches sont répétitives permettent de déconnecter l'intellect mais techniques. Alors les stagiaires reprennent confiance et s'inscrivent vite dans un environnement technique professionnel", apprécie Serge Sourdril. Car l'objectif est bien la réinsertion avec compétences techniques dans un contexte gratifiant.
Des poules "bien dans leur tête" , bien dans leur être.
"Naturellement, la poule cherche à s'isoler pour pondre, alors elles ont des nichoirs dissimulés. Elles passent 2/3 de leur temps sur les caillebotis, 1/3 dans les gisoirs", pointe Rolland Burban au cours de l'une des visites, vendredi dernier à Billiers. "C'est pour qu'elles soient bien dans leur tête ?", interroge un stagiaire. "C'est ça", acquiesce l'aviculteur qui a rejoint l'équipe de moniteurs du domaines des Prières. Avec Frédérique Guillas, ils gèrent stagiaires et bâtiments pondeuses et savent "prendre le temps". Dans ce centre hôspitalier, pas de blouse blanche. L'habit de rigueur sera la charlotte et la côte pour répondre aux normes d'hygiène. Tout est fait pour concilier les impératifs techniques, et bien entendu sanitaires, avec la prise en charge des stagiaires. Sas imposants, larges couloirs équipés de chaine d'alimentation, long tapis d'acheminement des œufs avec fenêtres pour observer l'activité au sein du bâtiment d'élevage en ventilation statique avec larges translucides pour le confort de travail. 580 000 euros d'investissements ont été consentis. "Six personnes doivent pourvoir travailler en même temps dans chaque bâtiment de 850 M2 scindé en deux parties distinctes", relève Serge Sourdril. 6000 poules en deux bandes y prendront place les jours prochains. "Nous devons toujours avoir des œufs pour fournir notre magasin de vente directe au centre mais aussi le marché, le Super U et quelques commerces de Muzillac. C'est aussi cela l'ancrage avec la réalité. Il ne doit pas y avoir rupture d'approvisionnement". 11500 œufs devraient y être triés et conditionnés chaque jour. Un contrat passé avec Nutréa sur 15 ans garantit une marge brute minimum de 5 euros par poule pour les œufs non distribués en vente directe où 6,8 euros sont alors dégagés par animal. "L'activité doit être rentable, autofinancée, car les stagiaires doivent pouvoir évoluer dans un contexte technique qu'il trouveront à l'extérieur, là où ils pourront trouver un emploi". Notamment à l'Esat de St Marcel, où de nombreux stagiaires y font carrière.
Serge Sourdril : "En aviculture, l'environnement est clos, c'est rassurant, les animaux petits. Les tâches sont répétitives. Elles permettent de déconnecter l'intellect mais elles sont techniques. Alors les stagiaires reprennent confiance et s'inscrivent vite dans un environnement technique professionnel. C'est gratifiant".