Publié le : 28 septembre 20205 mins de lecture

Mieux connaître les sols, pour mieux les protéger et gérer les territoires. C’est tout l’enjeu du travail mené depuis 5 ans, en partenariat (voir encadré) pour répertorier l’ensemble des sols bretons, leurs propriétés et l’évolution de leur qualité. Une base de données, également cartographique dont les applications s’ouvrent.

carte des réserves utiles en eau – ©agrocampus

« 65 % de la superficie de la Bretagne est constituée par des sols agricoles », prévient d’emblée Pierre Daniel, président de la commission agronomie de la Crab. C’est dire si l’enjeu de leur connaissance est important sur ce domaine d’application où beaucoup reste encore à faire. Et c’est dire si le lieu de restitution de ce travail, de titan, à Kerguehennec, station de recherche appliquée en agronomie des chambres d’agriculture de Bretagne, dans le Morbihan, est aussi symbolique. Car « la diminution des surfaces disponibles s’accélère dangereusement », pointe l’élu, mentionnant les 4,4 % de SAU perdu en seulement 10 ans dans le Morbihan, premier des départements bretons à voir sa carte des sols éditée (voir Terra du 11 novembre dernier). A l objectif de meilleure connaissance, se double de celui de préservation d’une ressource non renouvelable.

Un jeu de 13 Grandes familles

384 types de sols ont pu être identifiés se regroupant au travers de 13 grandes familles. Le plus fréquent répond au doux nom de UTS n°51. « Ce sont des sols brunifiés qui couvrent en Bretagne, comme en Morbihan, 50 % de la superficie », précise Blandine Lemercier, responsable du programme à Agrocampus Ouest. Ces sols bruns, peu à moyennement profonds, et bien drainés, se développent sur des schistes tendres. Un réseau de 109 points de suivi de la qualité des sols a été mis en place. Il a été complété par des inventaires de biodiversité, de manière à caractériser la vie biologique de ces sols et leurs évolutions. Tous ces éléments constituent une base de données exceptionnelle, consultable à terme par tous et permettant de nombreuses applications « concernant principalement le domaine agricole, mais aussi, et de façon de plus en plus importante, la protection des eaux et des sols » poursuit la jeune femme.

Quelles réserves utiles en eaux ?

Estimer les potentialités et les contraintes des sols vis à vis d’un usage particulier, zoner les secteurs présentant un risque érosif ou de transfert de matières polluantes, mieux valoriser l’aspect patrimonial des sols rares ou particuliers…. Les applications de ce programme sont multiples. Ils constituent un apport précieux pour la gestion de « l’épiderme fragile et non renouvelable » de la terre. Lionel Berthier d’Agrocampus Ouest s’est intéressé à leur réserve utile en eau. «Il s’agit de la quantité d’eau que le sol peut stocker sans risque de drainage. Cet élément permet de connaître la quantité disponible pour les plantes ». Ainsi superposée, la carte des argiles de surface s’est complétée de celle des matières organiques, de l’épaisseur des sols, pour aboutir à une spatialisation de la réserve utile du Morbihan. « La majorité de la réserve utile de ce département se situe entre 100 et 150 mm d’eau disponible, 50 % des sols sont en dessous de 160 mm. Au niveau régional, 170 mm » précise t-il. Bientôt, l’aléa érosif des sols bretons sera lui aussi spatialisé. La base de donnée a été utilisée pour modéliser les sécheresses en Bretagne « et apprécier la vulnérabilité de l’agriculture face à cet aléa » pointe Chloé Lamy du laboratoire Costel. Elle y consacre sa thèse. Sa projection climatique, « une augmentation de 3°C de la température d’ici 2100, est considérée comme modérée ». Au bout du compte, il s’agit d’apprécier une lame d’eau manquant à la végétation et une Bretagne « qui ressemble à la Charente-Maritime d’aujourd’hui avec un assèchement de la réserve hydrique et un risque de non remplissage après recharge automnale qui deviendrait structurel». Des données à garder à l’esprit pour les variétés à prendre en compte et les conduites culturales à adapter à l’avenir.